CHAPITRE XXVI

 Corran ne prêta pas attention au sable qui lui fouettait le visage pendant qu’il regardait le vent déterrer peu à peu le Badinage. Invoquant la Force, il sentit la présence de Ganner et Trista à l’intérieur du vaisseau. La distance brouillait leurs émotions, mais d’évidence, ils avaient une conversation stressante. Pas étonnant. Tout le monde était stressé depuis que le sort des étudiants disparus ne faisait plus mystère.

Corran et Ganner étaient allés jusqu’à la station météorologique. Du matériel était éparpillé autour, et quatre traces de pas se dirigeaient dans le sens inverse au campement. Une conclusion s’imposait : Vil et Denna avaient été capturés par les Yuuzhan Vong.

Un bruit de bottes attira l’attention de Corran.

– Oui, docteur Pace ?

– Je déteste quand vous faites ça. Vous pourriez au moins me regarder !

Corran jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.

– Pardonnez-moi, mais vous avez une présence très distincte dans la Force. De plus, vos bottes à semelles de cuir font un bruit très reconnaissable. Vos étudiants portent des semelles synthétiques pratiquement silencieuses.

– Chouette astuce ! Mais je crois que cette mission demandera plus que de l’astuce. Etes-vous sûr de savoir ce que vous faites ?

– Un des étudiants capturés a accusé les Jedi de voir l’avenir. Nous avons parfois des visions, c’est vrai. Mais j’ignore si nous réussirons…

– Je n’aime pas ça…

Corran montra les caisses en plastifibre, à l’entrée de la cave.

– Pourtant, vous êtes avide d’emporter les artefacts des Yuuzhan Vong ! Vous abandonnez même de l’équipement pour pouvoir tout embarquer.

– C’étaient de vieux trucs et j’ai un excédent de budget. Si je ne le dépense pas, j’aurai moins l’an prochain. (Elle croisa les bras.) Vous savez ce que je veux dire.

– Peut-être.

Depuis la capture des deux étudiants, Corran et Ganner étaient allés en reconnaissance tous les jours au village. D’après ce qu’ils avaient constaté, les Yuuzhan Vong prélevaient des échantillons de la flore et de la faune. Ils faisaient systématiquement fouiller le sable aux esclaves. Corran était persuadé que ce qu’ils cherchaient était déjà emballé dans les caisses.

Les étudiants avaient déterminé que le champ magnétique de Bimmiel se déplaçait régulièrement. Si les Yuuzhan Vong se servaient d’anciens relevés pour trouver la caverne, ils ne tomberaient pas facilement dessus.

Bien entendu, maintenant qu’ils ont Vil et Denna, ça n’est plus très important…

Corran était étonné que les Yuuzhan Vong ne soient pas encore là.

Pendant leurs missions, Corran et Ganner avaient noté plusieurs points. D’abord, les étudiants capturés étaient gardés dans la plus grande coquille. Sans être en excellent état, leur présence dans la Force n’avait pas encore faibli. Tout le monde supposait que c’était bon signe.

Corran n’avait vu que les deux guerriers et il commençait à croire qu’ils étaient seuls.

Ganner le harcelait, lui rappelant que s’ils avaient agi la première nuit, aucun étudiant n’aurait été en danger. Et ils auraient quitté Bimmiel depuis longtemps.

– Nous avons déjà parlé de tout ça, et je comprends vos objections… Ganner et moi nous faufilerons dans le camp pour libérer vos étudiants. Trista se débrouille assez bien avec le cargo pour pouvoir l’amener. Elle aspergera le village avec le produit que vous avez synthétisé. Ganner et moi en sortirons et tout le monde pliera bagage.

– Oui… En laissant les esclaves derrière nous. Quand nous répandrons le virus qui modifiera la bactérie, nous arroserons la zone d’odeur de proie. D’après vos rapports, les rats des sables ont des tunnels sous le village. Quand l’odeur y arrivera, ils en sortiront. Les esclaves n’auront pas la moindre chance.

– Je sais… Nous vous avons demandé de croire ce que Ganner et moi pensions des esclaves. Ils meurent à petit feu, un peu plus tous les jours. Je n’ai jamais perçu quelque chose de similaire dans la Force. Mais je sais qu’ils sont très malades et ne survivraient pas de toute façon.

« De plus, il nous est impossible de les emmener avec nous. Nous ignorons ce que sont les excroissances et de quelle façon elles se répandent. Si c’était une maladie infectieuse ? Les Yuuzhan Vong veulent peut-être que nous sauvions les gens du village, pour emmener avec nous des organismes infectés. Si c’est le cas, nous ferions un tort incalculable à la Nouvelle République.

– Et si Vil et Denna sont infectés ?

– C’est le plus gros problème. J’y ai pensé aussi.

– Qu’avez-vous décidé ?

– Et si nous pouvons les guérir ?

– Etes-vous prête à risquer une planète entière pour ça ? Pas moi ! Je me souviens du virus Krytos. S’ils sont infectés, ils ne quitteront pas Bimmiel. S’ils ne le sont pas, nous leur mettrons des combinaisons d’évacuation et nous les embarquerons dans le cargo. La même chose vaut pour Ganner et moi.

– Si vous êtes infectés tous les quatre, vous pensez que nous vous laisserons tomber ?

– Docteur, certains choix ne sont pas faciles. Abandonner Ganner brisera sans doute le cœur de Trista. J’ai une femme et des enfants, et ils ne seraient pas ravis de ma mort. Mais quand il faut choisir entre la vie de milliards d’êtres et la mienne, je sais quel parti prendre. Je sers la Force, qui est la vie. Ça ne rend pas la décision facile. Juste un peu moins difficile…

Pace ricana.

– Tout a l’air si simple quand vous en parlez !